Blog / 2024 / La Liberté Religieuse et les Amis Dont On A Besoin en ce Moment

C’était un message fonctionnel, destiné à éviter d’incommoder les habitants de mon petit village, mais il a eu sur moi l’effet inverse.

Pour être claire: j’adore les jours de congé payés—même si, en tant qu’artiste indépendant, ça n’existe pas pour moi—mais c’était une autre fête religieuse que Lambertville reconnaissait. Plus précisément, il s’agissait d’une autre fête chrétienne, dans une commune qui célèbre déjà Noël. Mon village montrait une nette préférence pour une religion avant toutes les autres.

Après une recherche rapide en ligne, j’ai découvert que Lambertville n’était pas seul à promouvoir le christianisme de manière anticonstitutionnelle. Mon village ressemble à l’ensemble du New Jersey, à onze autres états, et à un certain nombre de leurs municipalités dans la reconnaissance non seulement de Noël, mais aussi du Vendredi Saint. Ces gouvernements américains violent tous la Constitution des États-Unis à deux reprises, en montrant leur préférence pour une religion par rapport à toutes les autres et en le faisant non seulement avec la célébration de Noël qui est plus commun, mais aussi avec celle du Vendredi Saint.

Si tu suis mon blog, tu sais ce que je pense du fait que Noël soit la seule fête religieuse que nous célébrons dans les USA. Ainsi, l’année dernière, lorsque mon maire m’a informé avec le reste des habitants de Lambertville, que notre village allait célébrer le Vendredi Saint, j’ai décidé de lui rappeler d’une vérité qui devrait aller de soi:

Le gouvernement promouvant une religion avant que toutes les autres est un moyen sûr d’exclure ceux qui ne croient pas à cette religion.

En réponse, il m’a dit qu’il n’avait ni la volonté ni le pouvoir de modifier les jours de congé officiels, mais que si je parvenais à obtenir cinquante signatures sur une pétition, il la lirait à une réunion du conseil municipal.

Les signatures n’ont pas été faciles à trouver: les gens m’ont expliqué qu’ils ne voulaient pas que leur nom figure sur un document qui contestait le christianisme et son statut particulier aux États-Unis. C’était décourageant, mais je comprenais leurs appréhensions: le nationalisme chrétiens constituent une force terrifiante et toujours croissante dans notre pays.

Néanmoins, nous sommes finalement arrivés à cinquante et le maire a tenu sa promesse, demandant à Lambertville d’envisager d’ajouter Roch Hachana et Yom Kippour, l’Aïd al-Fitr et l’Aïd al-Adha, Holi et Diwali ainsi que le Nouvel An Lunaire, la Journée Internationale de la Femme, et Juneteenth comme jours fériés. (La logique en rédigeant la pétition avec autant de nouveaux jours de congé était que, si le christianisme a deux jours reconnus par notre ville, les autres grandes religions ainsi que quelques causes séculaires devraient en avoir plusieurs aussi.)

La conversation qui a suivi la lecture de la pétition n’augurait rien de bon pour ceux d’entre nous qui se soucient de l’inclusivité, et je ne peux pas raconter exactement ce qui s’est passé ensuite car il n’y a plus eu de discussion publique sur la question. Le maire a parlé en privé avec les employés qui bénéficient de ces jours de congé. Ensemble, ils ont décidé d’adopter Juneteenth comme jour férié à part entière, tout en rendant le Vendredi Saint et Yom Kippour facultatifs, permettant ainsi aux employés de prendre une demi-jjournée pour l’un ou l’autre.

Autrement dit, Lambertville célébrera officiellement une fête religieuse qui n’est pas chrétienne en 2024!

Quand j’ai appris la nouvelle, j’étais heureuse. Je n’ai jamais été croyante, et je préférerais que mon gouvernement reste aussi éloigné que possible de toutes les religions, mais, étant réaliste, je reconnaissais la petite victoire d’avoir amené ma municipalité à cesser de soutenir exclusivement le christianisme

Pourtant, mon enthousiasme initial s’est rapidement terni: je n’ai pu m’empêcher de constater que le christianisme restait la religion privilégiée, le Vendredi Saint et Noël étant officiellement reconnus. L’injustice flagrante m’agaçait et j’étais frustrée de n’avoir même pas eu le droit d’entendre les arguments qui ont conduit à cette décision.

Puis j’ai raconté à mon conjoint comment les choses s’étaient déroulées et sa joie m’a permis de retrouver mon centre. Il m’a rappelé que, même si le changement était minime, il s’était produit. Et si Yom Kippour reste un jour férié officiel à Lambertville pendant plus qu’un an, cela pourrait très bien contribuer à créer un changement à plus grande échelle.

J’avais besoin d’entendre cela.

Mon conjoint David est le genre de personne que je veux dans ma vie—toujours, bien sûr, mais surtout en ce moment. En fait, c’est le genre de personne que je veux être pour les autres en ce moment, au cours d’une année d’élection présidentielle où un violeur, un escroc, et un tyran potentiel est à nouveau un des candidats.

Ce dont je n’ai pas besoin, c’est qu’on me dit que je suis naïve ou que je dois me préparer à une réaction violente contre mon militantisme. Ceux d’entre nous qui veulent agir n’ont pas besoin que les autres expriment les préoccupations qui remplissent déjà nos cerveaux. Nous sommes parfaitement capables d’évoquer toutes les raisons pour nous taire et ne rien faire.

Ce qu’il nous faut en 2024, ce sont des gens qui nous rapelle que nous avons du pouvoir. Nous devons cultiver les Davids qui vivent en nous et garder en tête le vrai but: toujours continuer à essayer.

“On ne peut pas changer tout ce qu’on affronte, mais rien ne peut changer tant qu’on ne l’affronte pas.”

Cette citation de James Baldwin est tirée de “Autant de Vérité Qu’on Peut Supporter,” publié dans le New York Times en 1962. L’essai n’est pas un traité sur l’activisme, bien que cette citation de Baldwin soit beaucoup utilisée dans les cercles qui s’intéresse à la justice sociale. “Autant de Vérité Qu’on Peut Supporter” est une lettre d’amour aux écrivains et aux artistes de toutes sortes.

L’intégralité de l’article est fascinant, mais cette deuxième citation te donnera plus de contexte:

“Pour moi, l’effort pour devenir un grand romancier implique simplement d’essayer de dire autant de vérité que l’on peut supporter, et puis un peu plus. C’est un effort qui, par sa nature même—se rappellant que les hommes écrivent des livres, que le temps passe, que l’énergie se fane et que la sécurité nous intéresse—est évidemment voué à l’échec. Le succès est un mot américain qui, à moins d’être défini d’une manière extrêmement sévère, ironique et douloureuse, ne peut avoir aucune place dans le vocabulaire d’un artiste.”

Parce que si quelqu’un doit exprimer les inquiétudes qui prennent déjà beaucoup de place dans ma tête, j’aimerais que ce soit Baldwin. Au moins, il ne laissera pas entendre que cela ne vaut même pas la peine d’essayer de dire la vérité.