Blog / 2023 / Erreur n°9: Avoir Honte de Vouloir Gagner Ma Vie Grâce à Mon Art

En mai, ma carrière artistique a fêté ses vingt ans. Pour célébrer cet artiversaire important, je parle de certaines de mes erreurs les plus banales, comme essayer d’être comme tout le monde et me reprocher d’être trop gentille. Parce que si je devais citer une raison principale pour laquelle je continue à créer après tout ce temps, c’est que j’ai refusé de laisser ces échecs quotidiens me vaincre.

Aujourd’hui, je parle de l’inquiétude que les gens vont penser que je suis cupide parce que je veux être bien payée pour faire un boulot que j’adore.

Cette erreur découle d’une croyance tout à fait étrange que, malheureusement, beaucoup de gens partagent avec moi: qu’un vrai travail exige de la souffrance, et que seule la souffrance peut rendre le travail digne de récompense.

Je préférerais ne pas avoir une relation aussi tordue avec le concept de travail, mais, alors que je réfléchis à la raison pour laquelle j’ai tant de mal à demander un salaire correct pour faire de l’art, c’est la seule conclusion qui a du sens. Les personnes qui ont des emplois ennuyeux ou dans lesquels l’environnement est nocif—comme dans les usines où les dangers physiques abondent ou dans tout type de situation sociale avec l’agression quotidienne du sexisme ou du racisme—devraient évidemment être bien payées. Et les enseignants, en particulier, devraient gagner au moins trois fois leur salaire actuel. Après tout, ils font le travail vital de former notre avenir et, assez souvent, j’en suis sûre, il n’y a pas de façon plus punitive de passer son temps qu’en s’occupant de l’esprit et du cœur des enfants alors qu’ils apprennent à naviguer leur monde et découvrent (ou pas) un amour de l’apprentissage.

La création artistique, en revanche, est moins compliquée.

Vis-à-vis de l’art, mon attitude fait écho à Churchill qui disait: “si tu ne supportes pas la chaleur, sors de la cuisine.” Je sais que je n’arrête pas de dire (et à maintes reprises) à quel point l’art est essentiel, et je suis convaincue que c’est vrai pour l’art que je vis en tant que membre du public. Mais je ne suis pas sûre de croire un jour que mon art est une nécessité fondamentale au même titre que l’air, l’eau, la nourriture, un abri, les soins de santé, et l’art fait pas les autres.

Aucune des erreurs sur lesquelles j’écris n’est facile à gérer: c’est pourquoi ce sont des erreurs. Mais, de tout ce que j’ai abordé jusqu’à présent dans ma série de blogs parlant de vingt ans de gaffes, cette idée erronée est la plus insidieuse.

La honte qui entoure le fait de vouloir gagner de l’argent en tant qu’artiste touche au cœur de la place de l’art dans notre société, et cela me touche personnellement aussi.

L’idée que je ne suffis pas me tourmentent dans tous les aspects de ma vie depuis toujours. C’est pourquoi je suis moins une fonceuse et plus quelqu’un qui fait exprès de se retrouver le dos au mur. Je n’ai jamais l’impression que ce que je fais est très bien, et ce n’est certainement pas assez.

Pour cette raison, suivant une logique qu’aucune personne sensée ne voudrait démêler, j’ai décidé que l’activité avec laquelle je vais gagner ma vie est celle que tu ne peux poursuivre que si tu peux persuader d’autres personnes que tu as le droit de le faire parce que tu le fais bien et c’est assez. C’est une forme d’auto-torture qui me laisse certaine d’une seule chose: que les gens me jugeront cupide parce que je veux faire de l’art tout le temps, tout en étant rémunérée pour le faire.

Mais, il y a quinze jours, j’ai reçu un cadeau de la part de mon père décédé. En préparation de son mémorial, je suis allée fouiller parmi ses affaires, à la recherche de vieilles photos à inclure dans le diaporama de sa vie. Dans ma curiosité, j’ai découvert des lettres que Papa avait envoyées à sa sœur aînée quand il avait vingt ans—des lettres que ma cousine lui avait renvoyées après la mort de ma tante. Ces messages révèlent une incertitude touchante sur ses capacités. Mon père était humble! Et cela a été un choc.

Je ne dis pas que mon Papa était une personne arrogante, mais, de mon vivant, sa confiance en lui n’a jamais semblé faiblir. C’est peut-être que j’étais son enfant, donc il ne voulait pas partager ses doutes avec moi. Quand j’étais plus jeune, c’était une gentillesse, car sa certitude m’a donné quelque chose de solide sur lequel m’appuyer. Mais en devenant adulte, j’aurais aimé en savoir plus sur son incertitude.

Apprendre qu’il n’était pas sûr de mériter la confiance que ses parents et ses frangins lui accordaient a guéri quelque chose en moi.

Et si tout le monde n’était pas sûr de sa valeur? Et si nous recherchions tous la confirmation que nous comptons pour ceux qui nous entourent? Et si chacun d’entre nous voulait juste être assez?

Ce personnage composé d’un ruban à mesurer avec une balance pour un visage représente le feeling de ne jamais être à la hauteur. L’image fait partie de Tout Va Bien, ma série de peintures surréalistes à propos de la santé mentale qui sera exposée à la bibliothèque publique de Princeton à partir du mois prochain!

Princeton Public Library
65 Witherspoon
Princeton, NJ 08542
USA

Ouvert: du 7 août jusqu’au 15 octobre
Heures: tous les jours, visitez le site

Vernissage: le 16 août à 19h

La peinture originale est en vente pour $1600 plus les frais d’expédition, et il y a des impressions et de jolies choses ici dans ma boutique sur Redbubble.