Blog / 2024 / Erreur n°19: Avoir Peur de Commencer

22 avril 2024

En mai 2023, ma carrière artistique a fêté ses vingt ans. Pour célébrer cet artiversaire important, depuis l’année dernière, je parle des erreurs du quotidien—des choses comme chercher trop à plaire aux autres et penser qu’une attitude positive améliorerait mon art.

Aujourd’hui, j’explique ma peur de commencer chaque projet que je crée—l’idée qu’il faut connaître la forme précise des choses avant de se mettre au travail.

Lorsqu’une entreprise artistique dépasse, disons, deux ou trois tableaux liés, la logistique devient souvent écrasante. J’ai découvert que je peux me lancer une fois que j’ai mis en ordre ces trois éléments préliminaires: la recherche, le format, et le rôle du projet.


La recherche

Ces jours-ci, Tout Va Bien est une série de peintures ainsi qu’un plan de cours gratuit et ce sera bientôt un cahier de coloriage. Mais tout a commencé en lisant plein de livres sur le trouble de la personnalité borderline. Je n’avais pas reçu de diagnostic de trouble borderline—je n’avais même pas été voir un thérapeute—mais je me reconnaissais dans certains des symptômes de ce trouble et j’avais besoin de trouver une stabilité dans mon monde intérieur.

artiste diffusant son art en direct
capture d’écran d’un de mes livestreams en septembre 2021

Après avoir lu quelques livres, j’ai conçu plusieurs images et j’ai commencé à les peindre en direct sur Twitch deux fois par semaine. C’était à la fin de 2021, alors que beaucoup d’entre nous évitaient encore les autres à cause du COVID, et j’ai senti qu’il fallait que j’essaie de renouer avec le monde extérieur après avoir traversé la première année et demie de la pandémie dans un confinement quasi total. De plus, la diffusion en direct de ma peinture était également une recherche importante. Je me posais la question:

Suis-je seule à avoir des problèmes de santé mentale alors que la troisième année de la pandémie approche à grands pas?

À ce moment là, les responsables de la santé publique ne parlaient pas d’une crise de santé mentale comme ils le font actuellement. La plupart des gens faisaient de leur mieux pour crier “ouais, les vaccins!” assez fort pour étouffer toute inquiétude de la super-contagiosité de la variante delta. On voulait revenir à normale et faire croire que les dix-huit derniers mois n’avaient jamais eu lieu.

Si t’étais conscient de tes problèmes de santé mentale, on t’évitait en te disant “détends-toi un peu!” D’où la nécessité de peindre en direct avant de m’autoriser à m’engager pleinement dans Tout Va Bien.


Le format

Pour moi, ceci est généralement la plus difficile des premières décisions que je dois prendre. Il comprend des questions telles que:

  • Combien d’œuvres d’art feront partie du projet?
  • Quelle sera la taille de ces œuvres? Doivent-elles être uniformes ou peuvent-elles être de tailles différentes?
  • Quels matériaux dois-je utiliser? Les peintures acryliques sont peut-être une évidence pour moi, mais je dois décider si je peins sur du papier, du bois, de la toile, ou un autre tissu.
Tout Va Bien, séries sur la santé mentale par Gwenn Seemel
Tout Va Bien
(La série complète ajustée pour faire allusion aux différentes tailles des œuvres d’art originales.)

En ce qui concerne Tout Va Bien, j’ai d’abord choisi le papier. Cela rendait le projet moins sérieux, puisque l’art sur papier occupe moins d’espace physique quand on le range et donc aussi moins d’espace émotionnel à long terme, car l’art peut être caché s’il n’est pas vendu.

Mais en réfléchissant à la taille de chaque œuvre, j’ai compris que je me détestais un peu d’avoir essayé de minimiser ce projet. Alors, dans une décision qui reflétait mon état émotionnel avec une précision douloureuse, j’ai fait une volteface brutal et j’ai choisi le bois. Contrairement aux œuvres sur papier ou celles sur tissu—qui peuvent être enlevées de leurs châssis et enroulées pour être rangées—les peintures sur bois nécessitent beaucoup d’espace. Elles finissent généralement par vivre sur mes murs jusqu’à ce qu’elles soient vendues. Peindre sur bois signifiait que je m’investissais pleinement dans ce projet, et cela me paraissait bien.


Le rôle du projet

Là, je parle de bien comprendre comment le projet va exister pour les autres, puisque, sans cela, il est facile d’abandonner quand on rencontre des problèmes. Pour comprendre le rôle du projet, il faut:

  1. définir son public
  2. trouver le financement

Normalement, tu peux déterminer qui fait partie de ton public en regardant qui tu es et en mélangeant ces idées avec des connaissances en marketing, comme je l’explique dans cet article.

Dans le cas de Tout Va Bien, trouver mon public était, du moins au début, incarné par ces mêmes séances de peinture en direct qui servaient de recherche. J’avais promis de peindre publiquement au moins deux heures par semaine pendant les trois derniers mois de 2021, et c’est donc exactement ce que j’ai fait—même lorsque ce projet était la dernière chose à laquelle je voulais penser.

Avec ce type de pression directe, j’ai terminé quatre tableaux de la série au cours des 90 premiers jours, mais, en 2022, je n’en ai ajouté que quatre autres. Je traversais beaucoup de difficultés: j’ai déménagé deux fois en six mois et mon père est décédé. J’avais donc toutes les excuses. De plus, je n’avais pas programmé de diffusions en direct même si je savais bien qu’elles auront pu m’aider à me concentrer sur ma tâche.

artiste Gwenn Seemel, Princeton Public Library
photo par Gwenn

En 2023, il était clair que, comme pour tous ces soi-disant éléments préliminaires que je décris dans cet article, je devais revenir sur la question du rôle du projet. Dès le début, je savais que je voulais faire un Kickstarter pour aider à diffuser Tout Va Bien, mais, l’année dernière, je me suis finalement donnée une date limite pour le faire. J’ai programmé des lives en janvier et février, et j’ai fixé des dates pour deux expositions de Tout Va Bien. Pour que la collecte de fonds et les événements aient lieu, je devais finir onze peintures de plus et aussi prendre des décisions sur la forme finale du projet. C’est ainsi que j’ai pu enfin surmonter mes blocages.


Revenir sur les questions préliminaires

Parce que parfois on se bloque en démarrant un projet, mais, si un projet est suffisamment complexe, on se bloque aussi dans le redémarrage au fur et à mesure que le projet évolue.

Au tout début, Tout Va Bien visait à retrouver un calme dans ma vie intérieure. Mais c’est vite devenu un cri de ralliement pour ceux qui ne voulaient pas vivre dans un monde imaginaire où la violence armée et le penchant fasciste de la droite ne pesaient pas sur chaque instant de la vie américaine.

Plus précisément, Tout Va Bien est devenu un hommage aux adolescents dont la jeunesse avait été rongée par la pandémie. J’ai donc étudié les possibilités d’introduire le projet dans les lycées aux États-Unis. Face à l’obsession de la droite américaine de refuser autant que possible les soins de santé mentale et à sa tendance à paniquer à propos des médias auxquels les enfants ont accès, il me fallait trouver un moyen indirect d’offrir Tout Va Bien aux adolescents.

J’ai passé des heures à discuter avec des enseignants que je connais et à faire des recherches sur les programmes de pleine conscience qu’ils sont autorisés à utiliser dans leurs écoles. J’ai appris à rédiger des questions ouvertes qui permettaient aux autres de répondre directement à mes images, sans insérer immédiatement mes idées dans la conversation, avec l’aide de Dr. Nisha Gupta.

Je suis même passée par l’idée de créer des cartes à collectionner à partir des images et des questions qui les accompagnent, mais je n’ai pas trouvé de moyen d’imprimer les cartes, puisque les images que j’avais créées étaient de proportions différentes. Je me suis reprochée de ne pas avoir conçu le projet différemment dès le début, mais il n’y avait rien à faire. Tout Va Bien ne pourrait pas facilement devenir des cartes à collectionner, car je ne l’aurais jamais commencé si j’avais attendu le moment où j’aurais compris que le projet devrait prendre ce format.

Après toutes ces recherches, j’ai opté pour l’idée d’un plan de cours et d’un cahier de coloriage, puis il restait encore des recherches nécessaires pour comprendre comment formater les deux.

coloriage montrant un mammouth laineux au cirque
coloriage de Le Mammouth Laineux dans la Salle

Le cahier de coloriage sera bientôt disponible et je dois remercier Kickstarter pour cela, car il s’avère que j’ai du mal à me concentrer. J’avais programmé certains projects pour 2024, et le street art ainsi qu’une campagne de sensibilisation pour l’accompagner ne faisaient pas partie de ce planning. Mais j’ai promis aux supporteurs du Kickstarter qu’ils recevraient les cahiers de coloriage en juin, et je tiendrai cette promesse avec plaisir.


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